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Agriculture sous pression

L’horizon s’assombrit pour un nombre grandissant de fermes québécoises. À un point tel que le visage de nos campagnes, dynamique et vigoureux malgré la crise sanitaire 2020-2022, pourrait être méconnaissable d’ici quelques mois à peine si rien n’est fait. Il y a urgence d’agir et nos familles agricoles, sur lesquelles reposent les ambitions alimentaires de quelque 8,8 millions de Québécoises et Québécois, tendent solidairement la main à celles et ceux pour qui l’autonomie alimentaire est une véritable priorité.

Vendre plus pour recevoir moins

Les revenus agricoles ont connu une bonne croissance en 2022 grâce à une conjoncture de prix généralement élevés. La hausse fulgurante des dépenses, dans un contexte caractérisé par la guerre en Ukraine, qui a exacerbé les augmentations de coûts des intrants, dont notamment le carburant, les engrais et l’alimentation animale, a toutefois entraîné une chute importante du bénéfice net. En clair, les fermes québécoises ont dû vendre davantage et dépenser encore plus pour faire… moins de profits.

Les signaux se sont pourtant multipliés pendant la crise sanitaire. Aux États-Unis, en plus de l’aide générale aux entreprises, plus de 22,6 G$ ont été annoncés pour soutenir les fermes en difficulté. Chez nous, malgré les plaidoyers et les avertissements répétés du milieu, les gouvernements québécois et canadiens n’ont pas réagi face à cette pression montante même si l’augmentation du coût des intrants de production a été près de trois fois supérieure à l’inflation entre janvier 2020 et septembre 2022. Les nuages à l’horizon étaient donc sans équivoque.

Quand le remède est pire que le mal

La hausse importante et rapide des taux d’intérêt depuis janvier 2022, présentée comme un remède à l’inflation, a empiré de beaucoup la situation d’un nombre grandissant de fermes et continuera de plomber leur rentabilité au cours des prochains mois. Rappelons que 8 $ d’actifs sont nécessaires pour chaque dollar de recettes en agriculture, un ratio fortement supérieur aux autres secteurs économiques. Cela explique, en grande partie, l’ampleur des investissements requis (du fait entre autres des attentes sociétales en matière d’agroenvironnement et de bien-être animal), le niveau élevé de la dette agricole qui en résulte (25 G$ au Québec en 2021; environ 27 G$ en 2022) et, conséquemment, l’impact très important de chaque fluctuation des taux d’intérêt sur la pérennité des fermes de la province. D’ailleurs, Agriculture et Agroalimentaire Canada prévoit déjà une diminution de 22,8 % des profits (revenu net) dans le secteur agricole en 2023, en raison notamment de l’augmentation des taux d’intérêt.

De plus en plus d’entreprises seront fortement impactées par les décisions de la Banque du Canada, près de la moitié des prêts agricoles faisant l’objet d’un renouvellement de leur taux à brève échéance. L’appel à l’aide exprimé par des centaines de fermes jusqu’à maintenant pourrait donc rapidement se transformer en un cri d’alarme retentissant, lancé communément par des milliers d’entreprises agricoles dans chaque région et secteur de production.

S’endetter pour nourrir le monde

Les jeunes de la relève risquent d’être parmi les plus affectés par cette flambée des taux, en raison de leur endettement plus élevé. À témoin, deux entreprises en démarrage (0-5 ans) sur dix devront renouveler entre 80 % et 100 % de leur dette dans la prochaine année. Comme le soulignait récemment la présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec, Julie Bissonnette, « on veut des entreprises prospères et rentables, mais est-ce que ce sera encore possible? Ce que l’on offre à la relève d’aujourd’hui, c’est de s’endetter pour pouvoir nourrir le monde ».

Qu’en disent les productrices et les producteurs?

L’Union, ses fédérations régionales et ses groupes spécialisés décrivent depuis plusieurs mois la crise en devenir aux divers paliers de gouvernement. Près de 4 000 productrices et producteurs sondés en mars dernier ont d’ailleurs confirmé les constats exprimés jusqu’à maintenant.

En effet, deux entreprises agricoles sur dix rapportent déjà une mauvaise ou très mauvaise santé financière (0-5 ans : près de trois sur dix) et près de cinq fermes sur dix anticipent une détérioration de leur situation au cours des douze prochains mois.

Parmi les principaux obstacles à la rentabilité, environ six entreprises sur dix identifient la hausse du prix des carburants et l’augmentation des taux d’intérêt, alors que cinq fermes sur dix se réfèrent à l’augmentation du prix des engrais et des coûts de l’alimentation animale.

L’impact actuel et à venir de ces augmentations faramineuses donne froid dans le dos. À l’heure actuelle, trois entreprises sur dix ne génèrent pas assez d’argent pour couvrir leurs obligations financières (0-5 ans : une ferme sur deux) et trois autres fermes sur dix se retrouveront avec un solde négatif en raison de la hausse des taux d’intérêt (environ quatre entreprises sur dix devront renouveler leurs emprunts en 2023 et considèrent que la hausse des taux d’intérêt pourrait les empêcher de s’acquitter de leurs obligations financières).

La situation difficile actuelle et à venir de toutes ces entreprises compromet la pérennité de notre agriculture et, ce faisant, de toute l’industrie bioalimentaire. En cours d’année, plus de six fermes sur dix entendent diminuer ou reporter leurs investissements alors que plus d’une sur dix réduira la taille de son entreprise. Pire encore, une ferme sur dix prévoit fermer définitivement ses portes au cours des douze prochains mois (deux sur dix dans le secteur bovin).

Il n’est pas trop tard, mais l’urgence d’agir est là

L’UPA a profité des consultations budgétaires pour rappeler la situation critique de centaines de fermes et de milliers d’autres à venir. Les gouvernements québécois et canadien ont malheureusement fermé les yeux sur le sombre tableau décrit précédemment, auquel il faut ajouter un resserrement tous azimuts de la réglementation agroenvironnementale, malgré les nombreux progrès accomplis ces dernières décennies. Le projet d’omnibus réglementaire modifiant 24 règlements, dont le Règlement sur les exploitations agricoles et le Code de gestion des pesticides, est mal venu dans le contexte actuel. Nos campagnes pourraient très bientôt en payer le prix, si rien n’est fait rapidement pour relâcher la pression.

L’agriculture, plus particulièrement les entreprises en démarrage et les fermes d’élevage dans les régions éloignées (coûts d’alimentation élevés), est plus impactée que d’autres secteurs par le contexte économique défavorable. Or, permettre aux entreprises agricoles en difficulté de poursuivre leur contribution essentielle au quotidien et à l’avenir alimentaire des Québécoises et Québécois est à la portée des gouvernements. Il n’est pas trop tard, mais il y a urgence d’agir!
 

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